On parle de plus en plus de data journalisme. Selon Wikipedia, il s’agit d’un « mouvement visant à renouveler le journalisme par l’exploitation et la mise à la disposition du public de données statistiques ». À Securiteoff, certains sont journalistes et d’autres des experts dans différents domaines et notamment l’OSINT (Open source intelligence). En enquêtant très précisément sur l’Ukraine, notre spécialiste Alexandre Denjean démontre que l’OSINT peut être également mis au service du journalisme d’investigation.
par Alexandre Denjean
L’Ukraine à la botte des néonazis
Le métier de journaliste a considérablement évolué ces dernières années. Auparavant, il fallait passer par une école de journalisme puis être salarié par un journal pour pouvoir obtenir le sésame tant recherché. Avec la démocratisation de l’Internet, les méthodes d’investigation sont passées du journalisme de terrain à celui du web, où il n’est plus vraiment nécessaire de se rendre sur un site ou d’interviewer une personne pour produire de l’information. Toutefois, comme dans tous les métiers, il est essentiel de bien se documenter et donc de vérifier ses sources.
Afin d’illustrer cette évolution, nous allons nous servir de la crise ukrainienne qui a considérablement dégradé nos relations avec la Russie.
À qui la faute ? C’est ce que nous allons voir ensemble dans cet article en deux parties.
Les raisons de la colère
Fin 2013 une partie de l’Ukraine se soulève contre le président Viktor Ianoukovytch qui refusa alors de signer l’accord d’association entre l’Ukraine et l’UE. Une des raisons de ce changement vient du fait que la demande d’aide (20 milliards d’euros) faite par l’Ukraine auprès de l’UE fut rejetée. La Russie de son côté proposait un prêt de 15 milliards de dollars… À ce moment-là ; différents partis de l’opposition descendent dans la rue en accusant le président Ianoukovytch de s’être vendu aux Russes. Un peu léger comme argument vous ne trouvez pas ? En fait depuis 1991 plusieurs fondations américaines financent les partis de l’opposition, cette information est dévoilée par CNN en 2014 (1). L’une d’entre elles a pour nom National Endowment for Democracy (qui est largement soutenu par le Congrès américain), elle finance en majeure partie les pays limitrophes à la Russie. Son but étant de développer la démocratie dans ces pays, on peut aussi y voir des tentatives de déstabilisation comme le faisait la CIA auparavant… Après tout , les USA n’utilisent-ils pas le concept de démocratie comme arme de guerre depuis plusieurs années au Moyen-Orient ? Un des principaux partis ayant bénéficié des largesses de cette fondation est l’Union panukrainienne « Liberté » (2) dont les prises de position russophobes, racistes et antisémites sont connues de tous. Ce parti a d’ailleurs fêté en 2013 le 70e anniversaire de la création de la division SS Halychyna « Galice » (3).
Ne dit-on pas que l’argent n’a pas d’odeur ? Pour illustrer ce que je viens de vous expliquer, le 14 décembre 2013 John McCain qui est sénateur du parti Républicain vient en Ukraine pendant les manifestations et rencontre l’actuel premier ministre, Mr Iatseniouk ainsi que Oleh Tyahnybok (chef du parti néonazi OUN, plus connus sous le nom « Organisation des Nationalistes Ukrainiens » . ). Cela ne vous surprend pas que les États-Unis grand défenseur de la démocratie rencontrent des néonazis ? La visite ne serait-elle pas liée au projet américain d’installer une base militaire de l’OTAN à Sevastopol (4) ? Qu’auraient dit les États-Unis si la Russie avait voulu installer une base navale au Mexique ? Le Président Obama (5) par l’intermédiaire de John Kerry a laissé entendre que l’envoi d’armes au gouvernement ukrainien était une option envisagée.
La France lumière du monde, mais aveugle…
Le 13 mai dernier (6), le Premier ministre ukrainien M. Arseni Iatseniouk a effectué une visite en France suite à l’invitation du Premier ministre Manuel Valls. Il a rencontré le Président de la République François Hollande. Cette visite faisait suite à la visite du président ukrainien, Mr Petro Porochenko le 22 avril. La France semble s’engager dans une relation économique pérenne avec ce pays sur le plan économique (énergie et agriculture). Ne connaissant pas vraiment les responsables politiques ukrainiens, j’ai donc effectué quelques recherches sur Internet, les résultats obtenus sont saisissants. Non seulement nos prises de position en faveur de ce gouvernement nous ont coûté une précieuse alliance avec la Russie, mais en plus, nous reconnaissons sans broncher la légitimité d’un gouvernement néonazi. Avec les récentes déclarations du Premier ministre Manuel Valls sur le racisme et l’antisémitisme, il y a de quoi rester sidéré par une telle position de la France.
D’ailleurs notre beau pays a semble-t-il immédiatement prit parti pour le gouvernement de Kiev, car au mois de mai 2014, le navire Dupuy de Lôme (7) spécialisé dans la collecte de renseignement est allé en mer noire. Étant donné qu’il n’y avait aucun exercice bilatéral, la position de la France semble plus qu’évidente…
M. Arseni Iatseniouk en fonction depuis le 27 février 2014 est le chef du parti politique Front populaire qui a été fondé le 31 mars 2014 suite à un désaccord basé sur le choix de leur ancien parti (Union panukrainienne « Patrie ») désignant comme chef Ioulia Tymochenko qui fut mêlée à plusieurs affaires de corruption. Pour mieux comprendre comment fonctionne la politique ukrainienne, il convient de s’intéresser à ce parti et plus particulièrement aux membres qui le composent.
Le Front Populaire : Neo-nazis Strike Back
Le Front Populaire1 est composé de deux bureaux, l’un politique et l’autre militaire. Je ne sais pas si cela vous surprend mais en ce qui me concerne cela m’a un peu inquiété. En effet seules les plus grandes dictatures ont des partis politiques disposant d’une force de frappe militaire. Ors le Front Populaire comprend plusieurs membres des bataillons de défense territoriale de l’Ukraine qui ont entre autre combattu dans la guerre du Donbass avec les conséquences humanitaires que nous connaissons. Ces bataillons sont d’ailleurs tristement réputés pour leur extrême violence.
Dans le Bureau politique quelqu’un a attiré mon attention, il s’agit de Andriy Paroubiy qui fut secrétaire du Conseil de sécurité nationale et de la défense, mais aussi et surtout co-fondateur du parti nationaliste et néonazi Parti social-nationaliste d’Ukraine. L’autre fondateur est Oleh Tyahnybok qui est sans doute un des pires antisémites de la planète puisque ce dernier a appelé à purger l’Ukraine de 400.000 juifs2. Mr Paroubiy n’est pas en reste puisqu’en 2010 il a demandé au Parlement européen de reconsidérer sa position concernant la décision présidentielle de faire de Stepan
Bandera1 un héros de l’Ukraine. Pour votre information Mr Bandera fut un collaborateur zélé des nazis durant la Seconde guerre mondiale, il ne fut d’ailleurs jamais jugé par un tribunal pénal international. Durant l’Euromaïdan2, Mr Paroubiy fut commandant des « corps volontaires de sécurité » comprendre par-là les Sturmabteilung ou SA. Son adjoint est le chef de l’organisation Secteur Droit (mouvement néonazi) Dmytro Iaroch actuellement député et sous le coup d’un mandat d’arrêt International lancé par la Russie. Mais comme ce mandat ne vient pas des Etats-Unis, je pense que les russes vont pouvoir attendre encore longtemps pour que Dmytro Iaroch soit arrêté…
Références :
1-https://www.youtube.com/watch?t=54&v=l0Jtv6HEWQ4
2-http://fr.wikipedia.org/wiki/Union_panukrainienne_%C2%AB_Libert%C3%A9_%C2%BB
3-http://leplus.nouvelobs.com/contribution/980272-ukraine-j-ai-assiste-a-une-commemoration-d-une-division-ss-une-autre-realite-du-pays.html
4-https://www.fbo.gov/index?s=opportunity&mode=form&tab=core&id=2bb691b61c59be3a68180bd8c614a0cb&_cview=1
5-http://fr.reuters.com/article/topNews/idFRKBN0LP0GH20150222
6-Source : http://www.ambafrance-ua.org/Entretien-de-Francois-Hollande
7-http://www.lemarin.fr/articles/detail/items/les-russes-napprecient-pas-le-retour-du-bateau-espion-francais-dupuy-de-lome-en-mer-noire.html