Selon des statistiques de la CNIL l’hexagone compte 897 750 caméras autorisées depuis 1995, dont 70 003 pour la voie publique et 827 749 pour les lieux ouverts au public. Ces chiffres étant issus du rapport 2011 du Ministère de l’intérieur relatif à l’activité des commissions départementales, ils ne reflètent plus la réalité. Mais ils confirment une tendance de fond : l’intérêt de plus en plus prononcé pour la vidéoprotection. Et les attentats du 13 novembre à Paris vont inciter de nombreuses villes et entreprises à s’équiper. Mais pour être efficace, la vidéoprotection doit être utilisée à bon escient.
par Adrien Luyé et Antoine Quélard
Laboratoire (C + V) O – Laboratoire de Cryptologie et Virologie Opérationnelles – Esiea
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En 2007, la « vidéosurveillance » devient une des solutions retenues pour la lutte contre le terrorisme après avoir joué un rôle important deux ans auparavant lors des enquêtes sur les attentats de Londres. Cette année-là, la ministre Michèle Alliot-Marie instaure la commission nationale de la « vidéosurveillance » dont les premiers travaux débouchent sur le vote d’un plan vidéoprotection permettant de définir les règles à respecter autour de cette »pratique ».
Le 14 mars 2011, le projet de Loi d’Orientation et de Programmation pour la Performance de la Sécurité Intérieure (Loppsi 2) est voté à la majorité. On parle alors de « vidéoprotection » et non plus de « vidéosurveillance ». Évoquant sa capacité dissuasive et le rôle qu’elle peut jouer dans l’élucidation des délits, elle provoque pour beaucoup des réactions épidermiques, car elle sous-entend l’observation passive, voire secrète, et peut donc s’avérer dangereuse pour le respect de la vie privée.
La vidéoprotection consiste à utiliser un système de captation vidéo pour améliorer la sécurité d’un lieu, que ce soit chez un particulier, dans une entreprise, ou pour l’État. Mettre en place un système de vidéoprotection nécessite de respecter la loi qui fixe plusieurs exigences.
Les principales restrictions concernent le « droit à l’image » ainsi que la conservation des données. On peut noter également des restrictions sur la limite du champ de vision des caméras (objet et lieux visibles par l’objectif) et des lieux où elles se trouvent. Comme décrit dans la loi, « aucune autorisation n’est nécessaire pour une installation de caméras de vidéoprotection dans un lieu privé ou des locaux professionnels qui n’accueillent pas de public. En revanche, l’installation de caméras par les autorités publiques, des personnes morales de droit privé ou des commerçants n’est possible sur la voie publique ou dans des lieux ou bâtiments ouverts au public qu’après obtention d’une autorisation préalable ».
Une précision est à noter lorsque des caméras sont situées à l’extérieur et à l’intérieur du bâtiment (décret n°2015-489 du 29 avril 2015), il est nécessaire pour le responsable de cloisonner ces deux systèmes : « La ou les caméras composant le dispositif de vidéoprotection sont déconnectées des caméras installées à l’intérieur du lieu ouvert au public de manière à ce que le responsable ou ses subordonnés ne puissent avoir accès aux images enregistrées par la ou les caméras extérieures. »
Les motifs d’installation d’un système de vidéoprotection sont multiples : protéger des bâtiments, réguler des flux de transports, prévenir d’actes de terrorisme, etc. Cependant, la loi est claire, il existe un droit à l’information pour le public. Celui-ci doit être « informé de l’existence du système de vidéoprotection et de l’autorité ». Un écriteau ou une pancarte comportant un pictogramme représentant une caméra doit être affiché et bien sûr, compréhensible pour tout le monde comme c’est le cas sur cette Photo.
De plus, il est précisé que « toute personne peut accéder aux enregistrements la concernant et en vérifier la destruction dans le délai fixé par l’autorisation préfectorale » et que « la conservation des images ne peut pas dépasser 1 mois, sauf procédure en cours ».
La loi impose donc plusieurs règles favorisant le respect de la vie privée. Le propriétaire doit alors prendre certaines précautions lors de l’installation d’un tel dispositif. Cela se traduit souvent par le déploiement d’un système complexe intégrant une zone de stockage rapide, correctement dimensionnée, « autonettoyante » et donc onéreuse.
Comment peut-on simplifier un système de vidéoprotection, tout en évitant les complications judiciaires ?
Notre piste de réflexion est la suivante : ne pourrait-on pas éviter de sauvegarder tout le trafic vidéo (pendant un mois) et ne stocker que celui qui correspond à l’objectif de la vidéoprotection. Dans le but de protéger un bâtiment, ne pourrait-on pas exploiter les détecteurs d’alarme (souvent déjà présents) pour déclencher le stockage vidéo ?
Tout d’abord, il faut posséder un système d’alarme centralisé avec un ou plusieurs capteurs d’intrusions. Ceux-ci vont du simple détecteur de passage comme sur le schéma ci-dessous, jusqu’au détecteur de chaleur. Il faut ensuite paramétrer le système de manière à ce qu’il émette un signal électrique exploitable pour télécommander les caméras.
Dès qu’une intrusion est détectée, la caméra recevra le signal et enregistrera pendant un délai prédéfini (5, 15, 30 secondes). Il est à noter que certaines caméras possèdent une mémoire vidéo interne de quelques minutes. Lors du déclenchement, il est possible de récupérer le contenu de cette mémoire et ainsi stocker les images enregistrées juste avant l’événement. L’utilité de cette technique se révèle d’autant plus pertinente lors d’une enquête. En effet, les enregistrements coïncident exactement à la chronologie de l’infraction (ex : serrure forcée, puis entrée d’un individu dans la zone sous surveillance). Avec ce dispositif, la caméra « voit » en permanence, et ne lance la sauvegarde externe qu’après en avoir reçu l’ordre.
Il y a plusieurs possibilités quant au système de stockage. Il n’est pas nécessaire d’avoir un grand espace mémoire puisqu’on cherche justement à le réduire. On peut décider d’utiliser un ordinateur simple, cependant l’achat d’un petit équipement adapté et qui a donc pour seul objectif de faire du stockage s’avère ici judicieux. Dans l’optique de limiter les dépenses, un petit NAS1 conviendra amplement à notre système.
Pour la liaison entre la caméra et le NAS, il faut penser à la vitesse de transmission des données ainsi qu’à la fluidité de lecture. L’utilisation du protocole FTP permet de traiter des fichiers de taille importante très rapidement.
Grâce à ce système, on ne transgresse pas la loi concernant le droit à l’image, car l’enregistrement n’est pas permanent. En revanche, dès lors que la caméra enregistre, c’est qu’un événement de sécurité est apparu et qu’un enregistrement vidéo est nécessaire. Les images ou vidéos récupérées peuvent servir de pièce à conviction lors d’une enquête dès lors que les individus sont identifiables. Pour satisfaire cette condition, il est conseillé de prendre une caméra de bonne résolution (720p ou plus), possédant une fonction de déclenchement d’alarme sur un signal extérieur. Ensuite, il est également conseillé de tester l’installation une fois le montage effectué, afin de vérifier que le système répond aux attentes.
Pour résumer :
En enregistrant sur un événement, on limite les contraintes légales et le volume de la zone de stockage. Le droit à l’image devient difficilement exigible puisqu’aucune vidéo n’est stockée en permanence. Deux exigences restent à vérifier auprès de spécialistes du droit : nécessité d’obtenir une autorisation d’installation sur un lieu accueillant du public et obligation d’affichage de pancartes indicatives.